Ne pas rater l'occasion d'Europe Ecologie, par Dominique Boullier

Publié le par Rennes Métropole Ecologie

Le pari tenté par Daniel Cohn Bendit est vital pour l’écologie mais aussi pour toute la gauche en France et sans doute en Europe. Constituer une liste comme il l’a fait, c’est envoyer au moins deux signes forts sur la façon à venir  de faire de la politique:

-          les partis ne seront plus les moteurs des grandes recompositions politiques, à droite comme à gauche et il est temps d’inventer de nouvelles formes de regroupement avec des membres issus de la société civile, des associations, etc.

-          l’écologie politique ne doit plus se limiter à l’environnement mais prendre à bras le corps les questions clés de la dérive de toute notre économie vers une financiarisation qui constitue le cancer de tout projet de développement humain.

 

Sur ces deux points, des signes ont été donnés dans le bon sens :

Présence sur la liste de personnalités reconnues de l’activisme écologiste, comme Yannick Jadot, dont tous les militants ont à apprendre, pour sortir du rituel système pétition/manifestation/cartelisation qui conduit le plus souvent à l’échec. Oui, les réseaux sociaux et les médias n’ont pas seulement été utiles à Obama, ils doivent être combinés pour constituer un nouveau pouvoir collectif indépendant. Notons que  les médias ont surtout servi pour l’instant, à gauche, à faire imploser le parti socialiste avec ses rivalités dont on cherche encore le vrai fondement, et à droite, à faire la promotion d’un seul, l’omniprésident. Europe Ecologie doit inventer une autre forme d’action médiatique qui permette de favoriser les prises de pouvoir (l’empowerment) en associant visibilité, alliances larges, et actions de terrain précises et gagnables.

Présence sur la liste de personnalités qui ont une expérience réelle sur les questions financières (Eva Joly), non pas seulement pour faire dans la dénonciation mais pour inventer les modes d’action concrets pour s’attaquer efficacement au système financier qui a détruit tous les freins à l’avidité et surtout tous les repères de jugement. Cette crise n’est pas conjoncturelle, elle aurait dû être combattue depuis longtemps par la gauche et la bataille que menait Attac, avant d’être sabotée par les nationalistes de Nikonoff, aurait dû être la priorité. Aucune stratégie écologiste ne peut être crédible si elle ne dit pas désormais que paradis fiscaux, secret bancaire, valeur pour l’actionnaire, survaleurs (goodwill), règles comptables américaines adoptées récemment par l’Europe, hedge funds, stock options, etc. doivent être entièrement démantelés pour espérer récupérer de la richesse pour les grands investissements écologiques nécessaires. De ce point de vue, le simple sauvetage des banques sans contrepartie ni réforme est un marché de dupes.

Mais attention, certains signes continuent à indiquer que le projet d’Europe Ecologie pourrait se terminer par une simple opération de cartel électoral, pour assurer quelques postes. La désignation par les Verts de leurs candidats a donné lieu par exemple à des caricatures de manœuvres pour faire passer des représentants de courants devant les candidats désignés par les membres des Verts en région, comme ce fut le cas pour la seconde place de la liste dans l’Ouest. La présence de Bové peut être un atout s’il arrête la démagogie antieuropéenne qui nous a conduit à l’impuissance.

Il est essentiel que la vision politique qui s’impose avec la liste Europe Ecologie soit celle de la réforme, radicale, active, et réalisable, appuyée sur des alliances larges qui peuvent gagner des batailles autres que les batailles électorales. Si la liste ne devait servir que de repêchage pour des partis qui ne peuvent plus se remettre en cause après des échecs cuisants et à recycler des pratiques protestataires impuissantes, Europe Ecologie aurait raté son pari. Car l’espace est ouvert à gauche, désespérément ouvert d’ailleurs, avec un parti socialiste qui n’a aucune analyse ni mesure à proposer face à cette financiarisation qu’il a laissé faire pendant toutes ces années, avec un NPA et autres radicaux associés qui peuvent continuer pendant mille ans à recycler des modèles marxistes qui évitent avant tout de changer quoi que ce soit, qui évitent au public de reprendre DU pouvoir sous le prétexte qu’il faut attendre de prendre LE pouvoir ( et tous seuls en plus, sans faire d’alliances, bonjour la désespérance !). 

Ne gâchons pas cette chance de structurer un nouveau réseau de partenaires qui ira bien au-delà de la bataille électorale.

 

Dominique Boullier

Rédacteur en chef de Cosmopolitiques

Professeur à l’Université Rennes 2

Publié dans Actualité politique

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