CM DU 07/09/2009 - CHARTE DE LA VIE NOCTURE & VIDEOSURVEILLANCE


              Nous avions inscrit, dans notre programme municipal, la nécessité de redéfinir une charte de la qualité de vie nocturne.

 

Nous nous y sommes attelés rapidement et je dois reconnaître que cette charte a été travaillée, discutée entre élus et avec les partenaires concernés. Elle aura fait l'objet de plusieurs débats entre la Ville et la Préfecture mais aussi entre élus des secteurs concernés ou encore entre les différents groupes composant la majorité.

 

La sécurité est un sujet délicat que l'on ne peut traiter à la légère. Des événements dramatiques ont eu lieu dans notre ville. Nous avons l'obligation, dans le cadre de nos compétences, de mettre en œuvre des dispositifs luttant contre l'insécurité.

 

Simultanément nous devons peser dans le dialogue avec l'État et la Justice. Voilà pourquoi cette charte a au moins le mérite de mettre noir sur blanc les actions mises en œuvre. Elle montre l'implication de la Ville sur les questions de sécurité et son souci constant, je dis bien constant sans laxisme, ni angélisme, de trouver des réponses en terme de tranquillité publique.

 

H. Chardonnet a longuement présenté les actions, engagements et propositions regroupées dans cette charte et bon nombre de ces actions nous les soutenons, nous y participons.

 

La nuit des 4 jeudis, Dazibao, les nuits du sport, Prev' en ville, Nozambules, sont autant d'actions innovantes, ancrées aujourd'hui dans le paysage rennais qui ont fait leurs preuves et qui doivent être maintenues tout en étant ajustées au fil des évaluations.

 

De même la mobilisation contre l'alcoolisation des jeunes est aujourd'hui une réalité qui se décline sous forme d'actions intéressantes en partenariat avec la Police Nationale, la Chambre de Commerce et d'Industrie, l'Éducation Nationale. Mobilisation que l'on retrouve aussi constante dans les actions qui sont mises en œuvre au sein du Conseil Local de sécurité et de prévention de la délinquance.

 

Cependant, nous avons des regrets. Le long chapitre sur les engagements des exploitants de débits de boisson a sûrement le mérite de clarifier et de préciser des obligations que l'on retrouvait déjà dans la Charte de qualité pour les bars et pour les restaurants. Mais on aurait pu aller plus loin, et, ne serait-ce que l'exemple du refus des exploitants de bar d'afficher la possibilité d'appeler gratuitement un taxi, nous nombre les limites de leur engagement et le travail qu'il reste à faire. Mais surtout on regrette que le dialogue avec la Préfecture sur une extension des heures d'ouverture de certains bars à certaines conditions n'ait pu aboutir.

 

L'expérience nous montre pourtant que la régulation des fins de soirée passe par une sortie échelonnée des bars mais aussi par la possibilité de récupérer, de se poser la dernière heure en buvant autre chose que de l'alcool.

 

On se prend à rêver que des patrons de bars proposant des cocktails de fruits, des boissons chaudes entre 1h et 2h du matin plutôt que de fourguer, à toute allure sur les coups d'une heure moins le quart des pintes de bière dans des verres en plastique que les clients pourront ingurgiter dans la rue.

 

Oui des regrets, on en a car même si l'on peut, espérons-le, se réjouir de la création par la Police Nationale d'une unité territoriale de quartier dans le centre ville, parce que les événements marquants que nous avons pu vivre à Rennes nous disent que nous avons besoin de la présence de la police en déambulation. C'est le soir que le sentiment d'insécurité est le plus développé et plus tard que 21h30 ou 22h00. Et ne croyez pas, M. Caron, que la nécessité dont je parle de police de proximité me fait ignorer que la police peut aussi être à l'origine de débordements dans les quartiers, et il arrive que la Ville soit en situation de médiation dans les quartiers entre les jeunes et la police.

 

Le trafic de drogue qui en grande partie génère l'insécurité en centre ville semble ne souffrir d'aucune répression. Alors bien sûr, nous le savons tous, le phénomène est particulièrement compliqué. Et encore je ne reviens pas sur l'ensemble de la problématique qui nous interroge sur nos relations avec les pays du sud, sur le commerce international, sur le traitement juridique même de la consommation du cannabis.

 

Le sentiment d'impunité à l'égard des dealers revient comme sur leitmotiv et la police à pied, ferme boutique au moment où le sentiment d'insécurité est le plus fort entre 22h00 et 1h00 du matin.

 

Des regrets donc, mais des avancées aussi qui font que l'on pourrait se dire que cette charte, c'est un bon début, continuons le débat.

 

Et puis il y a un moment où ça gratte, ça démange fort, ça ressemble à de l'allergie et franchement ça ne passe pas. Les nombreux visiteurs de notre blog en savent quelque chose.

 

La Ville de Rennes s'engage à installer, à titre expérimental, un système de vidéo-protection de voie publique. N'ayons pas peur des mots et parlons vidéosurveillance, fer de lance de la politique gouvernementale et de vidéosurveillance en espace découvert, ce qui est effectivement différent et un pas supplémentaire par rapport au système de vidéosurveillance en milieu fermé que nous connaissons déjà et sur lequel nous nous étions exprimés en son temps.

 

Le chef de l'État souhaite tripler les dispositifs de vidéosurveillance dans les grandes villes françaises, met en œuvre des stratégies quasiment incontournables et les élus locaux, de droites comme de gauches, plient la tête et s'exécutent. Sauf qu'en cédant à cette nouvelle pression sécuritaire, on s'attaque à un symbole particulièrement fort, celui du droit à la vie privée, celui des libertés publiques, celui de la garantie d'une démocratie pleine et entière. Sauf qu'à ce jour, aucune évaluation ne montre la moindre efficacité de ce système en matière de résolution de l'insécurité urbaine notons d'ailleurs que la vidéosurveillance est vendue comme un système anti-terrorisme. Serait-ce à dire qu'à Rennes nous sommes en première ligne ? Nous le savons tous, les caméras n'ont aucun effet sur la délinquance qui se déplace alors hors champ. Nous le savons tous, l'unique bienfait des caméras est de jouer sur le sentiment d'insécurité de la population.

 

Mais à quel prix ?

 

La vidéosurveillance n'est pas un outil parmi d'autres. En mettant le doigt dans cet engrenage, on s'expose à un développement incontrôlé qui s'avèrera être un véritable gouffre financier.

 

En demandant aux collectivités locales d'assumer les coûts d'installations et de fonctionnement de la vidéosurveillance, sans parler de l'idéologie qui va avec, l'État nous précipite dans les bas-fonds de sa politique sécuritaire que nous avons toujours contestée.

 

Comment ne pas craindre que les coûts exorbitants de la vidéosurveillance se fassent au détriment d'autres actions de prévention et de développement de la présence humaine sur l'espace public ?

 

Alors bien sûr tout cela n'est qu'expérimental, espérons que l'expérience nous dira bien vite de faire marche arrière.

 

Quant à la mise en place d'un comité d'éthique, la Ligne des Droits de l'Homme a déjà affirmé son refus d'y participer et son opposition ferme au dispositif de vidéosurveillance.

 

Rennes est une ville où la multiplicité des associations, le partenariat exemplaire existant entre les collectivités et institutions, la médiation sociale et le champ donné à l'innovation permettent d'affirmer que nous avons les moyens de contraindre la délinquance et de lutter contre son explosion.

 

H. Chardonnet nous rapportait les écrits de Robert Muchembled. Il y a maintenant une dizaine d'années, le sociologue Laurent Muchielli démontrait, de la même manière, que les chiffres de la criminalité n'étaient pas plus élevés aujourd'hui en France qu'au début du siècle ou dans les années 50.

 

Alors, même si nous pensions aller plus loin dans les engagements, la Charte de la Vie Nocturne aurait pu répondre à nos attentes, et nous avons quelques années encore devant nous pour avancer. Mais notre opposition depuis longtemps clairement affirmée au développement de la vidéosurveillance ne nous permet pas de la valider en l'état.

 

Nous nous abstiendrons donc sur cette délibération.

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